Vanités
Ou l’hygiène du réprouvé
Êtes-vous fanfaron ou bien aimez-vous l’ombre ?
La mort, fine mouche, finira par confondre
Le fat, le matamore et jusqu’au faux modeste.
Le sujet, je le crois, mérite un manifeste.
Demandez à Icare, ainsi qu’à Prométhée
S’il n’y a pas de risque à la témérité.
Et à s’imaginer au-dessus des colères
Ressenties en l’Olympe par des atrabilaires
Demandez à la pie ainsi qu’à l’écureuil,
Inusables voleurs, de larcins assoiffés,
Aveuglés de profits et aveuglés d’orgueil
S’il n’y a pas de risque à la cupidité.
Vaguement pestilentiel ou bien six pieds sous terre
Egoutier dégoûtant ou bigleux enterré,
Demandez à la taupe et demandez au rat
S’il n’y a pas quelques joies à être un réprouvé
Et demandez à ceux dont la peau est si blanche
Et qui sont si précieux qu’ils sont une denrée
S’il n’y a pas péril à demeurer si rares
Au point d’être amputés par quelques maudits mages
Et que penser d’Adam et puis que penser d’Eve
Pourquoi vouloir souiller un si beau jardinet
Et fâcher de ce fait le divin colérique
Pour quelques connaissances et menues vérités ?
La Fontaine condamna en quelques mots virtuoses
L’esbroufe, les tranche-montagnes, les narcisses et les poses.
Quand un tel contempteur vous dévisage ainsi
Il y a peut-être matière à dire : je réfléchis.
Vanités
EIFFYX
La série « Vanités » s’inspire de l’esthétique chère au XVII° siècle tout en incorporant les éléments du bestiaire, un bestiaire un peu particulier puisqu’il s’agit de représenter des animaux morts*, souvent des réprouvés (rat, renard, pie, taupe…), et ce afin de mettre en scène des récits mythique, biblique ou apologétique liés entre eux par un réseau de relations significatives.
L’écueil était de ne pas sombrer dans une morbidité complaisante en privilégiant plutôt le choix d’une mise en scène sobre et soucieuse de refléter une image poétique et allégorique des enjeux de la destinée humaine. Toutes ces créatures incarnent à leur façon « Le pélican qui pour les siens se tue » (Clément Marot). Victimes sacrificielles, elles expriment à leur manière les angoisses mais aussi les tourments humains. Dérisoires pour les uns ou symboles d’une nature bafouée et violentée pour les autres, elles paraissent, post mortem, encore capables d’interroger les finalités de l’existence humaine mais aussi d’en souligner le caractère erratique et parfois funeste.
Cette série se compose de 10 diptyques. Chaque élément du bestiaire est complété par son pendant blanc chargé de dépasser le choc visuel du martyre en proposant des pistes de lecture plus précises quoiqu’encore sibyllines parfois et ce dans le but de laisser à chacun une liberté interprétative souvent nécessaire pour s’approprier l’œuvre.
* Tous les animaux mis en scène ont tous été trouvés morts dans la nature.
Vanithé : Pièce initiale illustrant la réflexion sur la fragilité et le caractère éphémère de l’existence humaine. Laissez infuser la vanité, le poison n’en sera que plus puissant.
Krisis : Europe enlevée par Zeus savait-elle qu’elle porterait sur ses épaules fragiles la destinée de peuples unis pour le meilleur et pour le pire. Quoi de plus cocasse que de voir cette jeune fille trompée devenir ce continent marqué par les errances financières d’états à bout de souffle ? L’écureuil est pourtant réputé économe.
Eden : L’homme n’aime guère la taupe. Est-ce parce qu’elle sait, elle, que l’au-delà n’existe pas. Vivant six pieds sous terre, elle démontre que la mort n’est qu’un amas de boue fertile. Ce crime-là est impardonnable. La taupe est une poétesse dont la quasi-cécité ne trouble pas la lucidité, lucidité dont Cioran disait qu’elle « est un martyre permanent ».